Hommage à Jean Yoccoz

Hommages

Nous avons appris avec une grande tristesse le décès de Jean Yoccoz, ancien directeur de l’IN2P3, le 30 décembre 2016. C’est un pionnier de l’Institut qui disparait à l’âge de 91 ans.

Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, Jean Yoccoz s’oriente vers la physique nucléaire théorique, rejoignant le petit groupe de théoriciens au laboratoire de Frédéric Joliot au Collège de France. Il poursuit sa formation en Grande Bretagne. Sa thèse avec Rudolf Peierls à Birmingham en 1957 est très remarquée. La théorie variationnelle de Peierls-Yoccoz développe un modèle collectif de la dynamique nucléaire qui fait la jonction entre le modèle en couches et celui de Bohr-Mottelson. Leur article commun continue d’être cité régulièrement jusqu’à ce jour. Il devient ensuite professeur à Strasbourg et poursuit ses recherches au CRN en 1957-66, puis est professeur à Grenoble jusqu’en 1975, travaillant au CENG. Cependant c’est vers de hautes fonctions de direction qu’il va se diriger et mettre en œuvre son talent au service de la communauté.

Après 8 années de gestation difficile, l’IN2P3 est mis en place en 1971 sous la direction de Jean Teillac qui demande immédiatement à Jean Yoccoz de le rejoindre comme directeur adjoint. A l’été 1975 Teillac lui cède la direction de l’Institut, qu’il va assurer jusqu’en 1983, où il passe le relais à Pierre Lehmann. Au cours des douze années passées à l’IN2P3 Yoccoz a mis en place un institut fort et organisé. Il s’agissait de faire fonctionner un petit ensemble de laboratoires disséminés sur le territoire sur des projets communs et en optimisant les ressources disponibles. Plusieurs de ces expériences devaient être menées en collaboration avec des équipes du CEA. La taille des expériences et leur caractère international, d’abord en physique des particules, demandait la mise en œuvre d’une telle structure afin d’assurer une bonne visibilité des équipes françaises au CERN, et bientôt sur d’autres accélérateurs dans le monde, dans la mesure où la France ne possédait plus de machines de haute énergie.

La vision de Jean Yoccoz est à la base du succès de l’IN2P3 sur la scène internationale qui s’est manifesté pendant son mandat par une implantation solide au CERN et la participation à la première grande expérience à l’étranger, CELLO à DESY (Hambourg), puis au-delà par les expériences sur le LEP et le LHC. Au niveau de la physique nucléaire, domaine qui lui était plus familier, il a su donner un souffle nouveau avec la concentration des efforts sur les laboratoires nationaux (CEA – IN2P3) Saturne (à Saclay) ainsi que GANIL (à Caen). Il veillait à assurer un équilibre raisonnable entre les apports des deux organismes de tutelle. Des physiciens de différents laboratoires français ainsi que des physiciens de laboratoires étrangers vinrent mener des expériences dans ces deux laboratoires nationaux aux caractéristiques prometteuses.

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Jean Yoccoz

Jean Yoccoz a été le directeur exemplaire de l’IN2P3, dont il a défendu avec force la spécificité des objectifs et des moyens lourds à mettre en œuvre. La tâche n’a pas toujours été aisée, car il était souvent difficile d’admettre dans le cercle large du CNRS l’exception que représentait l’IN2P3 dans un système où toute la recherche se devait d’être organisée et soutenue de manière uniforme. Cependant l’IN2P3, tel que l’a défendu Yoccoz, était et reste bien la structure la mieux adaptée à notre domaine scientifique. Nous avons tous une dette immense à son égard.

Les qualités humaines de Jean Yoccoz étaient tout aussi exceptionnelles. Il était respecté de tous, abordant avec bienveillance toutes les personnes indépendamment de leur grade. De plus, il surprenait souvent ses interlocuteurs par sa connaissance précise des personnels. Il avait un jugement très sûr avec des prises de décision claires, alliant la fermeté et une écoute attentive. Lors de la séparation LAL-LURE en 1984 il organisa une assemblée générale où il sut convaincre les personnels qu’il fallait célébrer la naissance d’un laboratoire alors que certains esprits chagrins y voyaient un divorce. Peut-être fallait-il voir dans cette simplicité bienveillante la trace de son enfance dans une famille très modeste de paysans savoyards.

Jean Yoccoz était le père de Jean-Christophe, médaille Fields de Mathématiques et membre de l’Académie des Sciences, disparu prématurément en septembre dernier. Nous adressons toutes nos condoléances à sa famille si durement touchée, en particulier à ses deux fils Nigel Gilles et Serge.

Michel Davier