Oscillation des antineutrinos : un indice de violation de la symétrie matière-antimatière ?

Physique des neutrinos

La collaboration Tokai-to-Kamiokande (T2K), associant notamment le CNRS et le CEA, a annoncé lors de la conférence Neutrino 2016 ses tout derniers résultats sur les oscillations d’antineutrinos. En comparant les oscillations des antineutrinos et celles de neutrinos, elle a mis en évidence une différence qui pourrait être expliquée par la violation de la symétrie charge-parité. Si la signification statistique reste encore trop faible pour conclure, le résultat n’en reste pas moins très prometteur.

L’expérience T2K, installée au Japon, utilise un faisceau de neutrinos ou d’antineutrinos muoniques créé à Tokai (sur la côte est du pays) et dirigé vers le détecteur souterrain Super-Kamiokande près de Toyama, à 295 km de distance. La collaboration vient d’annoncer lors de la conférence Neutrino 2016 ses tout derniers résultats sur les oscillations d’antineutrinos.

En 2016, la campagne de mesures a permis d’enregistrer presque deux fois plus de données qu’en 2015. Avec leurs 2 détecteurs, les scientifiques de T2K ont comparé le nombre de neutrinos et d’antineutrinos dans les saveurs muonique et électronique. Ils ont alors mis en évidence que le taux d’apparition de l’antineutrino électronique était plus faible que celui attendu dans l’hypothèse où la symétrie charge-parité serait conservée.

Une analyse complète de ces résultats combinés avec ceux d’expériences d’oscillation d’antineutrinos sur réacteurs privilégie une valeur pour la phase de violation de CP (δCP) de -π/2 ainsi qu’un angle de mélange θ23 maximal et une hiérarchie "normale" des masses (ce qui implique deux neutrinos légers de masses assez proches et un neutrino de masse plus lourde). À 90% de niveau de confiance, les données de T2K indiquent que la valeur de la phase δCP est comprise dans l’intervalle [-3.02 ; -0.49] et n’est donc pas nulle.

La statistique actuelle ne représente encore que 20% du total des données anticipées pour l’expérience. Prévue pour durer jusqu’en 2021, T2K aura alors accumulé 7,8x1021 protons sur cible grâce aux améliorations de l’injecteur J-PARC et du faisceau de neutrinos. Une extension du programme expérimental de T2K jusqu’à 2025 est envisagée, ce qui pourrait lui permettre d’atteindre une sensibilité de 3σ dans la mesure de δCP.

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Distribution des évènements "neutrino" (en haut) et "antineutrino" (en bas) dans le détecteur lointain de l’expérience T2K (situé à Kamiokande), pour les saveurs muonique (à gauche) et électronique (à droite). Dans chaque graphique, les points noirs montrent les données récoltées, la courbe noire montre le résultat que l’on aurait pu obtenir si les neutrinos/anti-neutrinos n’avaient pas oscillé et les courbes bleues montrent les distributions attendues quand on utilise les meilleurs ajustements des paramètres d’oscillation. © Collaboration T2K.

 

Les neutrinos peuvent-ils expliquer pourquoi nous vivons dans un monde de matière ?

La violation de la symétrie charge-parité (violation de CP) dans les interactions faibles est une propriété qui se traduit par l'obtention d'un résultat différent lorsque l'on échange particules et antiparticules dans une même expérience. La symétrie par effet de miroir et inversion de charge, censée répondre aux mêmes lois qui régissent la nature, est alors brisée.

La violation de CP, dans les premiers instants de l'Univers, est l'une des raisons invoquées pour expliquer une énigme fondamentale : pourquoi l'Univers observable aujourd'hui est-il constitué de matière, sans aucune quantité significative d'antimatière ? Une violation de CP a bien été découverte en 1964 dans le domaine des quarks mais elle n’est pas d’une amplitude suffisante pour justifier toute l'asymétrie matière-antimatière. Si elle était confirmée, la découverte d’une violation de CP dans le secteur des neutrinos serait une avancée majeure dans notre connaissance des premiers instants de l’Univers.

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L’intérieur du détecteur Super-Kamiokande vu d’en haut, en 2006. © Kamioka Observatory, ICRR (Institute for Cosmic Ray Research), The University of Tokyo.

 

Laboratoires français impliqués dans l’expérience T2K :

  • Institut de physique nucléaire de Lyon (IPNL, CNRS/Université Claude Bernard)
  • Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'univers (Irfu, CEA)
  • Laboratoire Leprince-Ringuet (LLR, CNRS/École Polytechnique)
  • Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies (LPNHE, CNRS/Université Pierre et Marie Curie/Université Paris Diderot)

 

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Contact

Perrine Royole-Degieux
Chargée de communication